vendredi 24 avril : maigre chronique et grande tristesse ...
A la cour :
Au grand Conseil, on argumentait sans fin pour atténuer l’espoir que chacun mettait dans son élargissement à la date indiquée par le Roi. On pensait le peuple sot et incapable de se prémunir de maladie en prenant toute précaution et surtout en évitant de contaminer, par négligence, ses semblables. Incapable comme petit enfant, il fallait qu’il soit tenu fermement et corrigé au besoin. On ne tolérerait que son industrie, mais certainement pas qu’il prît repos ou loisir, ou qu’il se mis en tête de quitter son district. Le peuple y vit là une insulte.
A son secours, les Médecins de Cour agitaient, comme épouvantail, les désastres du grand mal, lui prédisaient longue durée ou sinistre retour allant, comme leur héraut devant les représentants du tiers état, jusqu’à le comparer à la grande peste qui avait tué la moitié du royaume.
A toutes choses excès fait injure, le Roi fit de son côté. Il convoqua échevins ou consuls pour prendre conseil et voir comment on pourrait concilier la santé des sujets avec leur prochain élargissement. Cela fit désordre, mais le Roi y gagna quelque crédit.
Et l’on se prit à espérer que le Roi, même s’il était toujours honni ou contesté par un grand nombre, fasse preuve d’une plus grande sagesse que ses médiocres conseillers et qu’il asseye plus fermement son trône.
Chez nous :
Le docteur Loupiac est mort, de maladie, de LA maladie.
Il l’avait contracté aux urgences en soignant, au début de l’épidémie, avec les moyens qu’on lui avait donnés : mauvais masque, maigres moyens. Il était celui, ou de ceux, qui défendaient dans notre ville un bon et solide service d’urgence.
Arrivant dans le « grand âge » avec mon vélo et mes maladies, c’est sur lui et son service que je comptais si d’aventure une voiture folle me cueillait ou si une artère faisait des siennes. Sur ces urgences là et pas sur le bel oiseau que l’on nous montrait et qui me porterait vers un hôpital plus grand, plus loin (enfin s’il faisait jour, s’il faisait beau, s’il était disponible). Ma carcasse supportant mal le piétinement des manifs, j’avais peu participé aux actions dans ma ville, mais c’était notre combat, son combat.
Toubib aux urgences, ce n’est pas rien … Soigner à tout va, au fil des malheurs, sans choisir ni l’heure, ni l’homme, ni son mal, ni sa détresse et celle de ses proches, ça laisse songeur. C’est la Médecine, la grandeur des hommes, l’art de soigner ses semblables.
J’évoquais, il y a qqs jours, le vieux Diogène et sa lanterne qui « cherchait un homme ». On en a perdu un … il faudra se remettre à chercher.
Mes vénérés Toubibs n’ont pas eu ni une très belle vie, ni beaucoup de chance. Ils sont dans mon Panthéon, comme ils devraient l’être dans celui de tous : celui-ci les rejoints. Je n’ai pas le goût des formules consacrées. Devenu athée par défaut, j’ai du mal avec la vie éternelle. Mais faites que son esprit, son souvenir demeurent et éclairent ses semblables et tout ceux qui continueront sa lutte.
Hommage rendu, c’est la colère qui succèdera contre ceux : administrateurs et fonctionnaires attachés aux finances plus qu’à l’objet, représentants élus, souvent par surprise ou défaut, tous ceux qui se sont ligués pour patiemment démanteler, déshumaniser, un si bel outil.
Du coup, la seule chanson / video qui me vient … Pas forcément attachée à cela : d’autres terribles circonstances, bien sûr, une guerre, une vrai et un chant qui n’est pas le sien ou le vôtre peut-être, mais une des séquences où je mesure la fraternité et l’humanité des justes luttes : celle-ci, comme, je le crains pour demain, nos futurs combats.
https://www.youtube.com/watch?v=H7ylKMmvGuU