lundi 18 mai : liberté chérie ...
Dans l’entourage des savants et médecins, travaillaient maints mathématiciens et experts en calculs, arithmétique et algèbre. L’art de la médecine leur cédait parfois le pas : il fallait tout bien vérifier, faire ressortir, par comparaison de grands nombres, quelle serait la meilleure potion, l’efficacité des becs ou masques, les distances de contamination ou même le succès et l’intérêt des mesures prises.
En s’emparant de si nombreux calculs, les chroniqueurs et débateurs publics avaient nourri nos longues heures d’ennui devant nos magiques lucarnes. On se souviendra longtemps des débats enflammés autour des multiples calculs et études comparant les mérites des potions du savant marseillais avec ceux d’autres potions découvertes ou existant ailleurs.
Les cas étaient multiples, toute chose n’était qu’approximative et bientôt il ne resterait plus assez de malades pour faire d’amples et solides études. La controverse avait seulement combattu les méthodes de ce trop populaire médecin. Quant aux autres, la chose n’avait guère avancé : on cherchait toujours, mais en vain : la bête était vicieuse, protéiforme, et peut-être appelée à revenir.
Sans bonnes nouvelles, on comptait les morts et les nouveaux malades. Le nombre effarant de pauvres vieillards que l’on avait laissé à la porte des hôpitaux, dans leurs tristes hospices, sans soins efficaces et bons moyens, augmentait sans cesse et venait assombrir le bilan périodique que publiait le Grand Conseil. On figurait, désormais, parmi les quelques pays les plus affectés par le Mal.
D’autres mathématiciens travaillaient sur toutes matières : il s’agissait de mesurer l’utile comme l’accessoire, de vérifier même l’évidence, au risque d’amuser le bon peuple ou de marcher à l’inverse des mesures ou règlements établis.
Ainsi, on avait cru utile de vérifier, sur rats de laboratoires, la contagion du mal selon que l’on était ou non séparé d’un tissu analogue à celui de nos petits masques. On en prouva ainsi l’utilité, et, surtout on calcula le pourcentage exact de chance que l’on avait d’être contaminé avec ou sans semblable protection. La science avait fait là un grand pas. On ne doutait plus que, si nous en avions été à inventer l’eau chaude, il se serait trouvé des gens d’études pour calculer la température exacte de l’eau tiède.
Deux autres études, sérieuses et de sujet plus conséquent étaient parues. Elles ne furent que peu mises en avant par les chroniqueurs officiels ou bien en Cour. On y comparait, selon les pays, l’efficacité qu’avait eu un confinement très strict par rapport aux consignes plus libérales, mais raisonnées, qui étaient de règle dans d’autres royaumes. On concluait qu’il n’y avait point de différence et que la rigueur n’apportait rien. Pire, une étude faite sur notre Royaume, concluait en disant que l’affirmation qu’avait faite le Premier Conseiller, chiffrant à 60.000 le nombre des morts épargnés par la rigueur de ses décrets, était infondée et simple pétition de principe.
De plus en plus, dans le peuple, on voyait que l’on avait abandonné sa liberté d’aller et venir sans vrai raison, par simple caprice d’adjudant.
Chez nous :
Il fait toujours beau, c’est déjà ça…
« J’écris ton nom, Liberté… » qu’il disait …
Pas utile : c’est gravé dans le marbre sur tous les frontons des édifices publics, marqué sur tous les tampons scellant les documents officiels et, accessoirement, chanté avec l’hymne national par tous les anciens combattants, mais aussi les footeux aux matchs, les enfants des écoles, les anciens résistants comme les néo-fachos … alors, est-il besoin …
Si je me souviens bien, l’origine de la chose, c’est la référence aux « droits de l’homme et du citoyen » version 1789 …
« Art. 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. »
Sans grande référence juridique, ça fait partie du « bloc » de dispositions qui doit régenter tout notre dispositif législatif ou réglementaire.
La vache : on a pas mal dérivé en un demi-siècle …. Entre ce qui est interdit de faire alors que cela ne porte préjudice qu’à nous même ou que l’on peut faire sans danger, les graines que l’on peut ou non semer, les variétés de fruits que l’on peut ou non vendre, les normes existantes en toutes matières … et les amendes ou sanctions qui vont avec, les rêveurs qui croient en un autre monde possible sont mal partis…
Et avec notre petit confinement, on a un bon exemple … l’utilité supposée ou réelle des mesures n’est même pas en cause, c’est leur arbitraire (1 kilomètre, puis 100) ou des déclarations du style « on n’a pas envie de voir les gens se précipiter vers les plages … ». Je retrouve le comportement des mes pions de collège (l’un en particulier, que même le surveillant général trouvait stupide …) leurs punitions collectives …
Perso, ça m’effraye un peu, comme la passivité des gens devant ces limites à la liberté… et rien, aucun changement, ne sera possible sans elle.
« Liberté », il faudra quand même penser à rayer ce mot là de la devise nationale, ce n’est vraiment
plus d’actualité
A demain. ..