4 décembre - folies orientales ...
Mon ami,
Quelques mots aujourd’hui qui ne nous réjouirons pas.
Le Mal reprenait dans la vieille Europe et chacun fermait ses frontières aux grands voyageurs. Je serai bientôt prisonnier en ce pays avant d’en avoir visité les lieux et monuments illustres.
Le Roi, lui, en était exempt.
Il partit hier pour l’Arabie visiter l’un de ces princes du désert, chef d’une tribu guerrière régnant sur les sables.
Au siècle passé, ces royaumes n’avaient aucun poids. La découverte, sous les sables couvrant leur pays, de quantités extraordinaires d’huile de roche les avaient fait passer au premier plan. Il s’agissait du précieux carburant alimentant toutes les machines et tout les véhicules de ce siècle.
Une gestion avisée et bénéfique de cette manne providentielle, des avoirs, grâce à elle accumulés, avait fait d’eux de puissantes nations, et de nombreux pays leur étaient redevables. Riches plus que tous autres, les rois d’Arabie construisaient sur le sable des tours plus hautes que celle de Babel, achetaient tout, musées et monuments, sportifs et évènements, mais aussi les places à leur convenance dans le concert des Nations et parmi les dirigeants de ce Monde.
Le Roi leur fit visite afin de leur vendre une bonne quantité des plus récentes et onéreuses armes produites sur la terre de France. Les sommes d’argent étaient gigantesques et, bien qu’il ait été, en l’occurrence, un simple voyageur de commerce, il s’en fit gloire.
Las, ce prince des sables, que l’on avait présenté jadis comme un monarque éclairé, s’était bientôt montré sous son vrai jour. Ne supportant aucune contestation, un chroniqueur hostile avait été odieusement massacré. Il tenait son pays dans la plus rigoureuse et stricte observance religieuse, les plus ordinaires libertés étaient refusées à nos consœurs et l’on y appliquait encore des châtiments légaux épouvantables, dignes des cruautés barbaresques d’antan.
A voir ainsi le Roi de France faire bonne figure et commerce d’armes avec le souverain absolu d’un tel pays, les grands esprits de France, lumières du Monde, auraient sans nul doute tourné le dos.