5 décembre : jour pluvieux, pas heureux ....
Cher ami,
Jour pluvieux et triste, les gazettes ne font décidément rien qui puissent me rendre mon humeur joyeuse.
Hier, on apprenait la mort d’un grand défenseur de la nature, zélateur d’une simplicité heureuse. Il se tenait à l’écart des menées incertaines de nombres de ses homologues, avides de célébrité ou de pouvoir. Il était né en Alger, sur une terre aride. Il avait appris à la rendre fertile, sans artifices et malgré une maigre irrigation. Il avait aussi appris la valeur de la solidarité au sein de la tribu. Il prêchait d’exemple au sein de petits villages, fréquentait quelques cercles, trop discret pour ce siècle de turbulences infructueuses. Mais la perte d’un esprit simple et bon laisse parfois un grand vide.
Toujours aussi navrant, on fit rapport du voyage du Souverain Pontife, chef de l’église romaine, vers l’empire romain d’Orient. Il y salua, malgré le schisme, les patriarches de leur église.
L’aura de ce Pape n’était plus celle des temps passés. On prêchait dans des églises désertes, prêtres et diacres n’étaient plus respectés ni, trop souvent, respectables. Et lui-même avait fort à faire pour tenir une Cour agitée par les menées de quelques Princes de l’Église.
Il parla là-bas de ces pauvres hères qui se pressaient aux frontières de la vieille Europe dans l’espoir d’y trouver refuge. Les guerres avaient détruit tout l’Orient, du Pays des Cèdres jusqu’aux montagnes de Perse. Leurs maisons écroulées ou brûlées, hommes femmes et enfants menacés de mort avaient fui. Quand, malgré les dangers, ils étaient parvenus sous des cieux plus cléments, il se trouvaient parqués dans des camps de désespérance. Pire, à l’autre bout de la mer intérieure, on contenait d’autres miséreux et l’on avait même chargé les pires barbaresques, assassins et esclavagistes, de cette abominable besogne.
La mesure était comble, le Souverain Pontife fit son œuvre de simple prêcheur de bonne parole. Sa voix ne porta pas.
Plus léger : dans le royaume, on fit une nouvelle fois ouvrir le temple des grands hommes. On y avait fait entrer, il y a peu, un cercueil vide. Il fallait, ce jour ci, remplir celui, vide également, d’un Général, fidèle de l’Empereur auto proclamé et auto couronné, qui avait fait édifier ce temple.
L’homme ayant péri dans les plaines russes, le nouveau Tsar nous en restituait les restes : son cercueil les attendait depuis deux siècles. On fit avec cérémonie et un Ministre fut dépêché, le Roi, paraît-il, admirait l’Empereur et sa glorieuse époque.
On fit même coïncider la date de l’évènement avec celle de son couronnement, d’une de ses glorieuse victoire et du coup d’état perpétré pas son neveu … C’était assurément un peu trop : on avait beau mettre en avant son Code Civil, on oubliait un peu qu’il s’agissait seulement de mettre en bon ordre les préceptes et principes en usage chez de bons bourgeois et les maitres d’industrie ou commerce. On oubliait surtout qu’il avait mis à bas la République issue de la Révolution française et ses idéaux de liberté ou Fraternité….