à propos de commémoration
Il y a des coïncidences … la semaine dernière, un bon camarade FB, libertaire mais proche de ses semblables et ami des hommes, se réjouissait de
positions humanistes d’un tout vieux politique au nom usurpé : J. Toubon… une vrai curiosité ...
L’homme en question était, grosso modo de mon époque... né pendant la guerre, il a donc vécu cette curieuse époque de l’immédiate après-guerre,
celle à l’origine de la magnifique déclaration mise en préambule de la Constitution de 1946, et qui figure encore, en vain, dans l’actuelle.... ça laisse des restes ...
Le même jour, on commémorait la libération, un 25 août, de ma ville natale...
à l'époque j’avais 6 mois, mais …
Le discours de l’actuelle députée, ex socialiste, désormais en marche derrière le Président, l’Europe et le patronat, ne faillit pas à la tradition : héroïsme de la Résistance chassant l’Allemand hors du chef-lieu, mythe des héros de la Libération…
Décidément on a du mal avec l’histoire…et celle que l’on doit raconter, c’est la vrai, celle des gens, comme ils l’ont vécu, ses marques, et ses cicatrices… ce n’est pas un conte, une légende, une sorte de "comics".
Facile, pourtant, d'imaginer la réalité de cette libération ... fin Aout 1944, les alliés remontant de la méditerranée n’étaient plus guère loin, Paris se libérait déjà. Pour l’ennemi, ça sentait le sapin.
En haut lieu on voulait précipiter les choses : la libération, les français devaient en être. La résistance, sur ordre, multipliait les coups de mains…
En représailles les cosaques stationnés dans ma ville multipliaient leurs virées meurtrières : fusillés, déportés, des villages en flammes : toute la petite montagne, au sud de la ville… beaucoup de victimes civiles… la peur pour tous …
Le 24 au soir, « coup de main » ou, selon la terminologie militaire attaque « en aller-retour » contre la garnison de
notre ville. L’ennemi, rendant compte en exagérant fortement les forces de l'attaquant, eu l'autorisation d évacuer ses positions et débuta sa retraite… Ce qu’il fit en fusillant ce
qui traînait sur son passage, en brûlant des immeubles, habitants compris, femmes et enfants. Le bilan humain fut terrible, pire pour les civils que pour les résistants.
Ceux-ci, munitions épuisées, s'étaient retiré comme il était prévu . On était le 25 août… quelques jours dans la crainte du retour des allemands, puis on vit
arriver les militaires alliés, soit, si j'ai bien lu : quelques américains en reconnaissance le 31, puis le 3 septembre les troupes françaises (des Tunisiens) et les colonnes américaines. Le
défilé de la libération viendra par la suite avec, bien sûr et c'est justice, les résistants : ils avaient aussi beaucoup donné.
Je me garderais bien de dire quoique ce soit sur l'opportunité militaire du harcèlement qui mena au départ des armées ennemies, sur l'enchainement des évènements ou sur le courage des résistants… simplement, j’ai un peu mal quand on ne parle que de ces héros, quand on fait un tri parmi les victimes civiles ou militaires.… Rien de plus …
Ce qui m’interroge, plutôt, c’est le poids de tels évènements, de telles peurs sur la pensée, sur le comportement des gens, leur devenir. J'ai de la peine à imaginer, aujourd’hui, ce qui se passa dans la tête de ces gens sans nul doute marqués « à vie », leur comportement ou leurs valeurs morale définitivement affectées …
Les mois, les années qui suivirent la libération, presque une dizaine, furent celles de ces gens. Aux horreurs de la guerre succédèrent les restrictions et la misère pour beaucoup. La course au ravitaillement, aux patates, les tickets de rationnement, les immeubles « de rapport », logements sordides… pour les plus pauvres, dans les grands villes, ce fut la zone (au mieux, celle des premiers compagnons d’Emmaüs...). Le « tiers-monde » dans nos villes… Là aussi, il faut faire un effort d’imagination pour comprendre ce qu’était la société de cette époque, pour tous, responsables politiques compris
.
Pour les « riches » bourgeois ou profiteurs, il était mal vu d’étaler son opulence. Les comptes se réglaient aussi sur les finances. On avait décrété un. « Impôt de Solidarité National » qui exigeait que l’on établisse des déclarations de patrimoine complètes aux dates de début et de fin de cette guerre... Un enrichissement pendant cette période était fortement taxé et même noté « à l’encre rouge » sur les registres publics de l’Enregistrement (c’est vrai : j’ai vu ça quand je débutais dans l’administration fiscale...) Autant dire que ces contribuables faisaient profil bas. On cachait sa richesse. En plus, on avait émis d’autres billets, ceux de l’État Français devaient être échangés, il valait mieux n’en posséder que peu, ou pas plus que ce que l’on avait bien voulu déclarer … On m’a assuré que quelques « lessiveuses de billets » furent incinérés. Avec le relatif effacement des riches bourgeois, le bon peuple vivait comme il pouvait, dans l’entre soi, les gens étaient solidaires… On réglait les commerces à l’ardoise, les BOF ne laissaient pas les gens repartir avec leur bidon de lait vide, l’entraide était de règle…
Enfant, j’ai vécu le mieux possible cette fin des années 40 : Bébé, ma mère eu longtemps et beaucoup de lait, ensuite, famille un peu « à l’aise » j’ai profité autant que possible des usages de la période. Curés et Cocos rivalisaient pour nous organiser des « patronages », des sociétés sportives, des colos de vacances. On partageait les choses : abonnement commun à un magazine, bouquins prêtés… Heureuse époque pour moi … elle finit avec le retour de l’opulence pour quelques bourgeois, les jouets fabuleux qu’exhibaient leurs lardons .... premières frustrations ….
Dans les « hautes sphères », les institutions de Vichy étant devenues illégitimes, il fallait en trouver de nouvelles … ce ne fut pas sans mal …. Une première constituante un peu trop à gauche et un premier projet rejeté... le second, porté par une nouvelle assemblée (majoritairement au centre), fut le bon, précédé d’un préambule (toujours valide et de bon droit en théorie) qui consacrait des choses qui aujourd’hui font rêver : Droit au travail, moyens d’existence pour les chômeurs et les vieux, égalité homme-femme, participation à la gestion des entreprises, nationalisation des entreprises devenues monopoles ou ayant un caractère d’utilité publique, droit à la santé, droit d’asile …
Il faut relire ce texte, il est fondateur, prend sa source dans notre histoire et ne nous trompons pas : ce n’est pas simplement une concession faite à contre-cœur aux « rouges », si puissants au sortir de la guerre (il est vrai que la droite du Maréchal n’avait plus bonne presse). Non, ce texte, les principes qu’il fixe, étaient partagés par la totalité (ou quasi) des politiques de l’époque et ils les ont marqués durablement …
Alors, pourquoi s’étonner qu’un vieux cheval de retour se souvienne parfois de ces nobles principes… Il ne faut pas. Il vaudrait sans doute mieux lire, relire le texte qu’ils nous ont laissé et contempler ce que ce siècle en a fait ou gardé…
Nouveaux politiques, nouvelle Europe, nouvelle économie… Liberté, libéralisme...
Derrière les libertaires de 68 se cachaient les libéraux, derrière de prétendus anars se cachaient les chantres de l’égo : libertaires de la b..., la leur ; libertaires de leur auto, libertaires de leur stock de bitcoin… hommes de rien...
Et je repense à ma vieille époque, à mon enfance, à feu Michel, mon ami, enfant vivant dans un si triste logis et avec lequel j’ai partagé ma première colonie de vacances et mon abonnement à un premier illustré hebdomadaire …Une vieille nostalgie, comme celle aussi, alors jeune adulte, de nos rêves autogestionnaires.*
Je me fait devoir d'aimer les gens, mais je conchie ce siècle...