Paris-Brest-Paris - pas du gâteau ...
Il y a juste un an, quelques 6500 cyclo randonneurs en avait fini avec leur rêve de Paris-Brest Paris… plus de 5000 avaient atteint l’arrivée, dont quelques centaines hors délai …L’épreuve, centenaire, attire toujours le petit peuple des « cyclistes de l’extrême » appellation paraît-il conforme aux exigences journalistiques du moment. J’avais suivi un ou deux de ces courageux en songeant à mes propres expériences.
La première fut en 1979…
En préparant la chose, nous (mon épouse et moi- même) avions passé le brevet qualificatif de 600 kilomètres en quelques 30 heures malgré, de ma part, des sommes intempestifs… Nous ne doutions pas de nos capacités et, pour éviter un départ en soirée et une nuit supplémentaire sur le vélo, nous avions choisi le départ des « rapides » et un délai maximum de 72 heures. Nous ignorions que ce départ, d’une petite centaine de participants seulement, n’était pas celui de randonneurs « lambdas ». Josette, seule fille dans cette catégorie, s’y fit remarquer. Départ donné, ce fut, pendant la première heure dans la banlieue parisienne, derrière les motards de la gendarmerie et en peloton. 39 kilomètres furent parcourus dans l’heure, dépassant notoirement et épuisant nos capacités physiques… Les « rapides » disparus, nous nous trouvâmes : nous deux, notre ami Jean Paul, avec qui nous partagions cette aventure, et un cyclo Caladois de rencontre, seuls sur les 1170 kilomètres restants. La journée se passa néanmoins calmement et sans problèmes, mais, dès la nuit tombée, ce fut le sommeil qui me vint. Nous avions prévu de faire halte dans les fossés ou tout autre endroit propice, enveloppés dans nos vêtements de pluie, et réglés pour une durée de 20 à 30 minutes par un réveil de voyage…. Ce fut désormais notre ordinaire pour ce Paris Brest Paris.
De bosses en bosses, de sommes en sommes (au désespoir de mon épouse, moins atteinte que moi par cette « maladie du sommeil ») nous atteignîmes BREST en
une bonne trentaine d’heures sans autre inconvénients qu’un arrêt à Loudéac pour faire traiter une plaie "fessière". La mode était aux selles de cuir épais tenu par de gros rivets : l'objet
était souvent destructeur et nous étions nombreux dans le même cas. La chose était traitée par les secouristes au moyen d’un badigeonnage à la chaîne (teinture d’iode ou mercurochrome ?) de
la file, cuissard baissés, des culs atteints…. Un grand moment de solitude dans la file...
Le retour faisait souci : nous n'avions plus qu’une quarantaine d’heure pour en finir, nous étions amoindris, écœurés à la seule vue des provisions prévues : barres énergétiques ou autres et, malgré nos nombreux sommes, quelque peu fatigués.
Au km 800, n’y tenant plus, nous finîmes dans un restaurant routier devant un steak/haricots verts salvateur. Le reste fut long, de plus en plus long au fur et à mesure que nous approchions du but. Le délai limite approchant, nous étions souvent doublés. Notre ami Jean Paul avait pris les devants…. Nous réussîmes quand même notre challenge : pour un délai de 72 heures, nous finîmes en 71 heures 04, ce qui fût notre meilleur temps sur la distance.
Bref, indépendamment de la petite fierté d’avoir réussi l’épreuve, ce fut laborieux et cela marqua les organismes… mais ça apporte beaucoup, quoiqu’on dise :
s’organiser, faire avec ses limites, gérer les petits bobos, ses efforts …
Et puis, toujours, la nuit en vélo, ombres et fantômes, les confrères de rencontre, soutiens moraux, traçant avec vous la route, les tandems non-voyants, un
diabétique de rencontre à la recherche de sucre, tout ces gens partageant cette passion et réussissant à vous convaincre que, finalement, vous n’êtes pas totalement dément, moins, en tout cas que
bien des autres.
A l’arrivée, notre ami Jean Paul était déjà douché, changé, assis à l’ombre d’un arbre… Mais quelque chose clochait : il ne se souvenait de rien, même pas d’avoir fini, passé l’arrivée, et validé l’épreuve. Remise en forme, passage au contrôle d'arrivée et petit repos (après vérification, simple déficit de certains éléments, fer entre autre si je me souviens bien...).
Restait juste à reprendre la voiture pour rejoindre dans la foulée notre Jura d’origine …. Ça ne se raconte pas : chercher son chemin, se perdre dans la traversée de Paris, retrouver enfin l’autoroute, conduire de petits sommes en petits sommes, changer de conducteur à chaque aire d’autoroute...: en fait la seule chose, dans cette aventure, qui s’apparente à de la folie pure.
Nous n’avons réédité la chose qu’en 1983 et en tandem. La seconde fois failli me dégoûter de cette pratique !!! Il n’en fut rien cependant.
Et j’en garde les leçons : un problème après l’autre, un kilomètre ou une étape après l’autre, toujours, toujours...
et à présent, de même avec les misères de l'âge ou de la maladie, problème après problème ...
ça a servi au moins à ça.