Le vélo « gravel » en montagne a la cote … et avant ?
Je vois passer de plus en plus de vidéos Youtube ou de post Strava : les vélos, VTT ou gravel, regagnent nos montagnes… Tant mieux …
Dans le souvenir de nos glorieuses années, nos virées montagnardes étaient des « cyclo-muletades » selon l’expression d’alors. C’était il y a très longtemps, avant même que les premiers américains n’aient l’idée de faire pareil sur des espèces de mobylettes sans moteurs (les futurs VTT).
Rassurez-vous, je ne vais pas vous assommer avec le récit de mes « exploits » anciens : nous étions d’honnêtes pratiquants, collectionneurs de cols, comme il en existait des centaines. Mes descriptions ne font qu’apporter contribution et encourager les actuels, leur dire ce qu’était alors le vélo de montagne …
Quant à mes souvenirs, ils sont à moi : cacochyme vieillard, ceux de mes « grandes
heures » m’aident désormais à aborder le front haut les affres de la maladie et les misères de l’âge (je plaisante, l’humour y contribue au moins autant !!!).
Décrivons donc une de nos belles virées :
Départ de Chantemerle, au pied de Serre Chevalier et direction, en face, la montée du Granon, en premier lieu jusqu’à la cote 2172 (on de repérait à l’altimètre de poche à l’époque).
Nos vélos : (c’est pour les « techniciens » et les affamés de matos récent et cher…)
Ils avaient été montés « à la demande » par le vélociste de Voiteur, sur la base de cadres standards à la coupe « carrée » et de bon acier … fin (6/10° renforcé aux extrémités – 2,6 kg avec le jeu de direction monté…). Les cadres étaient plutôt grands (la mode « cyclotouriste », plutôt longue distance, était d’avoir le guidon peu en dessous de la selle et une position pas totalement aérodynamique). Pour les 18 vitesses (triple plateau) on allait d’un développement de 2,30 m à près de 8 m.
Quant aux pneus, les Michelin « cross » d’alors avaient une structure quasi indestructible formée de tissus fins et croisés de fils synthétiques. Leur section était de 28 ou 32 mm…
C’est grâce à ces vélos que nous abordions les « chemins blancs » et les cailloux des sentiers de montagne. Pour cette virée nous avions réussi à mettre dans deux sacoches arrière une tente « Itiza » (pyramidale mono mat) de deux places (2,5 kg je crois), nos petits duvets et qqs nourritures (pas assez hélas) ….
Voilà pour le descriptif technique.
Notre première grosse journée : la montée du col du Granon fut agrémentée de, quelques « aller*retour » pour atteindre les cols dont nous faisions collection. Le col de Buffère nous valut 9 kms supplémentaires, Cristol, Cibières et les Oules encore bien d’autres et après le Granon, le col de Barteaux 4 ou 5 kmls…
Bien sûr ces aller*retour s’effectuaient sur piste ou chemin blanc. Mais il est vrai qu’à cette époque, ils étaient à la fois un peu entretenus et peu fréquentés. Le terrain était stable, et finalement « roulable » sur une large partie, si l’on faisait un peu attention à bien poser ses pneus ailleurs que sur les cailloux pointus. Après ce copieux hors d’œuvre, descente sur Val des Prés par une piste parfois argileuse mais bien sèche. Quelques kilomètres sur la route en remontant la vallée et nous passons le col de l’Echelle par une route non goudronnée. J’avais prévu de me ravitailler à Bardonecchia après ce passage. Manque de bol, on arrive après la fermeture et nous décidons de continuer en comptant sur le fond de nos sacoches.
On engage la piste (chemin blanc intégral, mais en bon état) allant jusqu’au col Sommeiller (à peu de chose près à 3.000 m d’altitude). On établira notre premier bivouac près du lac de Rochemolles … Bilan de ce premier jour : 83 km dont au moins 50 de Gravel (bien graveleux) et 2.800 m de dénivelé positif …
Le parcours s/ Openrunner : https://www.openrunner.com/route-details/12493537
Le lendemain, montée au col Sommeiller ; large piste, des passages sur terre, mais, temps sec et roulage facile.
Nous finissons sous le petit refuge par un névé passé à côté de nos vélos. Le col est atteint, j’ignorais l’existence d’un second col et l’on se contente donc de celui affichant 2.993 m. alors que l’autre, à 3009, était à portée. Mauvaise pioche, mais avec le recul, l’objectif de passer au-dessus des 3.000 était assez dérisoire… En repassant vers le refuge, Josette hérite d’une punaise échappée du panneau d’affichage de la cabane… ce fut notre seule crevaison !!!
Pour la suite, descente de la piste jusqu’au fond de la vallée que nous descendrons jusqu’à SUSA.
C’est dimanche : aucun magasin n’est ouvert, nos provisions sont quasi à sec et nous ne quitterons la civilisation qu’avec les quelques paquets de friandises trouvées dans un bar et avec 2 boites de Coca.
On attaque la montée de la piste menant au col de Finestre : c’est un bel ouvrage d’art. Cette route blanche, populaire désormais puisqu’ incorporée au Tour d’Italie, est tracée et faite à l’ancienne.
Les lacets sont établis sur des murs en pierres sèches, la montée est régulière, le sol est stable et régulier : ça ne vaut pas le bitume, mais le roulage est facile, le rendement n’est certes pas celui du goudron et il faut faire attention aux pierres, mais c’est du bon « Gravel ».
Nous ne finirons pas la montée aujourd'hui : mon état de forme est sévèrement atteint par un déficit marqué de calories : j’ai, de ce côté-là, de mauvaises habitudes. Finalement après 1.200 m. d’ascension nous établissons notre bivouac et improvisons notre dîner, ne laissant dans nos sacoches que le strict minimum pour le lendemain. Bilan ; 87 kms et 2400 m de dénivelé.
Itinéraire sur Openrunner : https://www.openrunner.com/route-details/12493568
Au matin, le déjeuner ne sera fait que d’une boisson chaude : en fait, de l’eau chauffé au feu de bois dans laquelle nous ferons fondre quelques carrés de chocolat.
Nous reprenons l’ascension jusqu’au col de Finestre pour une pause « carte » (une 50.000° locale achetée à Susa). Une piste est indiquée qui, au-dessus de la piste principale, longe les plus hautes cimes et la rejoins au col de l’Assietta : C’est trop tentant.
Nous ne le regretterons pas : superbe travail : pas très large (juste la largeur d’un chariot artillerie, je pense) presque entièrement construite en corniche sur des murs de pierres sèches. La structure est visible parfois : sur les cailloux, on a placé des pierres plates « sur champ » pour former ce que l’on appelle, je crois, un « hérisson » assurant la stabilité et la solidité du revêtement et des graviers de surface.
Je crains pour cette réalisation : le moindre manque dans cet empilement savant et le ruissellement des eaux lors d’orages peut détruire à jamais ce qui me paraît comme une œuvre d’art.
Cette partie de la balade sera un enchantement en dépit des cailloux pointus plus nombreux que sur la grand’piste. Mais toute une partie en corniche panoramique vers 2700/ 2800 m, des fortifications et, pour notre collection, 4 cols de plus.
Il faudra par la suite reprendre la piste principale, ouverte à tous véhicules (mais ils n’étaient pas très nombreux à l’époque), et filer vers Sestrières en comptant quelques cols et en admirant les forts jalonnant cette route des crêtes. On y retrouvera le bitume et surtout les commerces alimentaires. Le reste de l’après-midi sera plus classique, pour ne pas dire morne. En passant le Montgenèvre, notre dernier col, je jetterai un coup d’œil sur le mont Chaberton, là-haut (un grand regret ; je n’y suis jamais monté !!!) à plus de 3.000 m d’altitude. On y avait établi un fort et surtout monté quatre canons de fort calibre pour défendre le passage du col frontalier !!!
Je n’ai guère de goût pour la chose militaire mais quand même on est forcément à la fois admiratifs et plein de compassion pour les pauvres bidasses qui ont fait cela à mains nues ou quasi…
Avec la fréquentation de ces montagnes, le nombre d’engins motorisés, j’ai peur que ce patrimoine ne disparaisse si ce n’est pas déjà le cas.
Notre troisième journée, bilan : (80 km et 2500 de dénivelé…) se complètera par le traditionnel retour automobile tardif et la courte nuit avant le retour au travail….
Parcours sur Openrunner (en deux parties)
https://www.openrunner.com/route-details/12493599
https://www.openrunner.com/route-details/12493619
Cette virée fut pour nous l’une des plus marquantes J’avais fait pas mal de photos
que j’ai regroupées dans un diaporama Youtube (et oui, moi aussi désolé) de qqs minutes. …
Mais, pour l’heure, je constate avec bonheur que les cyclistes n’oublient pas la route des sommets ni ces pistes et itinéraires mythiques… j’espère leur dire que l’on peut le faire simplement, avec un peu de préparation mais sans la logistique des exploits sportifs et surtout sans le matériel hors de prix que le commerce du cycle leur fait croire indispensable…