Chienne de taxe ...
Il y a quelques jours, j’ai surpris, parmi une masse de propositions ineptes, celle d’instituer une taxe sur les animaux domestiques.
Cela me fit sourire : on ne doit guère être nombreux à se souvenir qu’une telle taxe ait existé, établie au détriment des chiens et de leurs maîtres. Pire, dans mon cas, j’en ai assuré la mise en œuvre dans nos campagnes. Ça me rappelle ainsi mon jeune âge, ma pré-trentaine, celui où, jeune contrôleur des impôts, j’avais hérité de la gestion d’un « secteur d’assiette » (le nom ne s’invente pas) chargé des contributions directes de 126 communes au sud-ouest du département. Parmi les tâches qui m’étaient dévolues, je devais établir ou vérifier les « impôts locaux » : foncier des propriétés bâties, contribution mobilière (habitation), patentes (taxe professionnelle) et autres joyeusetés, dont celle dont il est question, toutes collectées par notre administration au profit des collectivités
L’établissement des « bases » d’impositions était affaire sérieuse et devait être soumis à l’approbation des élus communaux. On convoquait à cet effet la « commission communale des impôts directs » pour lui soumettre les éléments connus, à charge pour elle de nous indiquer les changements intervenus ou les erreurs commises. J’étais ainsi tenu de parcourir, à l’automne, toutes ces communes, de la plus petite de France, qui était sur mon secteur, jusqu’à quelques gros bourgs ( Clairvaux, Orgelet ou Montmorot ). Je courrais ainsi la campagne, parfois par paquet de 6 ou 10 petits villages, en costume cravate pour l’estime due à la représentation communale. Folklore me direz-vous, vestiges du 19ème siècle ? attendez un peu, il y a mieux…
Pour chaque commune, il existait un grand registre sur lequel était mentionné chaque habitant (ou plutôt foyer fiscal) avec en regard les mentions utiles assurant son imposition à la contribution mobilière. Et à l’époque (tout début des années 1970) on limitait la chose au nombre de pièces ou à la présence d’une salle de bains !
Ce registre qui mentionnait encore quelques taxes abandonnées depuis longtemps ne servait donc plus, quand je l’ai pratiqué, qu’à cette taxe mobilière et, bien sûr, j’en reviens à mon introduction, à cette « taxe sur les chiens ». Son montant n’était guère élevé, 3 francs (nouveaux) peut-être pour les chiens « d’agrément » (chasse ou toutou-mémère) et la moitié pour les chiens « de travail » (berger, garde ou assistance).
Reste le meilleur : la mise en œuvre de.la chose :
J’arrivais en mairie (entre mes retards et les maires oublieux, ça flottait un peu…) Salutations, composition de la Commission et l’on passait aux affaires sérieuses en faisant l’appel du « rôle ». D’une voix forte et claire (il y avait souvent pas mal d’anciens non appareillés dans la commission), il me fallait appeler chaque « foyer », en indiquant le nombre de pièces de l’habitation, recenser au passage les permis de construire déposés ou les projets connus d’agrandissement et en profiter pour mentionner les redevables d’une « patente » professionnelle. On m’indiquait les changements intervenus ou les situations réelles.
Bien sûr, pour en revenir à nos moutons, j’appelais aussi la taxe pour les chiens (elle disparut, je crois pour l’année 1972 ou 73 – VGE ministre des Finances). La chose passionnait ou mobilisait la Commission au moins autant, sinon plus, que le reste … C’est vrai que le classement de chiens ruraux allant à leur guise derrière les vaches ou derrière le gibier n’est pas chose facile et peut être même source de conflits…
Une fois terminé cet « appel du rôle communal des impositions » : salutations, et souvent, comme les « répartiteurs » (les membres de la Commission) n’étaient pas rémunérés, on leur offrait à boire, ainsi qu’à moi (ça allait jusqu’au repas complet dans les « grosses » communes). Sauf à paraître impoli, je n’y échappais qu’avec un bon motif …
Le plus drôle, sans doute : quelques bourgades de plus de 1.000 habitants n’avaient pas songé, pour
les mêmes raisons sans doute que les partisans actuels, à supprimer la chose… et je vous laisse imaginer quelle place tenait dans une séance qui durait parfois la journée, l’appel de centaines de
chiens, le plus souvent sur la seule base des souvenirs de l’employé municipal convoqué à cet effet.
Bref, c’était juste pour dire que le projet d’un impôt sur les chats et chiens m’amuse (mais quid des tortues ??) …
Cela dit, en racontant cette « scène de la vie des campagnes », j’ai le sentiment d’être encore plus vieux que je ne le suis... ou que « l’horloge des temps » ai passé deux siècles à la fois.