Sur l’agenda – 3 septembre 1966


Sur l’agenda – 3 septembre 1966

9 heures : Comme tous les matins, je suis à la bourre… J’ouvre le bureau de l’Enregistrement - actes judiciaires - pour le public et pour moi. C’est le dernier jour, la dernière matinée : on m’a collé l’intérim de ce bureau pendant les congés du titulaire, alors que je ne suis que simple contrôleur-stagiaire. L’homme est atrabilaire et bigleux. Il viendra assister à ces quelques heures, compter avec moi la caisse, les valeurs, les timbres fiscaux et vérifier la comptabilité que je devrai lui remettre officiellement et en bonne et due forme le lundi matin à l’ouverture… Il manque 20 centimes. Avec la lenteur des opérations, vue basse oblige, ça nous conduit jusqu’à midi. Je rentre chez moi, en fait chez mes parents, à 10 minutes à pied de là.

 

13 heures : le costume, c'est celui de mon frère : nous sommes pareils, un costume pour deux cérémonies, c’est suffisant. Le reste est perso : la chemise plastron, le nœud : gris perle et à pression, les Richelieu, les boutons dans leur écrin, la pochette. Un coup d’œil sur le courrier : relevé des Comptes Chèques Postaux : il me reste le minimum, suffisant pour que le compte reste ouvert. Je prends deux pièces d’argent pour les quêtes et je monte dans ma 403 direction Saint Laurent en Grandvaux.

 

14 heures : Je retrouve ma douce et tendre. Elle est en grande tenue, belle, robe blanche, superbe… les premières photos, salutations, la famille, tout le monde arrive. Le temps de griller 2 clopes et direction la Mairie.

 

15 heures : Mairie... Mon beau père est conseiller municipal, c’est le Maire lui-même qui procède : l'homme est important, proche de l’Edgar, industriel. Il doit être en délicatesse avec ma profession, son discours m’importune. Signatures, photos. Dehors les cloches sonnent : on sort.

 

16 heures : 100 mètres entre la Mairie et l’Église : cortège informel - on n’est pas chez les bourges - . Pour la messe et la bénédiction, c’est le curé Mermet, forte personnalité, respecté. Pour la musique, c’est, côté du parrain de mon épouse, une violoniste exceptionnelle qui enchantera la cérémonie (on échappe à Mendelssohn martyrisé à l'harmonium...).

 

17 heures : c’est fait, nous sommes mariés. Sortie d’église, photos, petite pause, petites causeries, avant les 200 mètres qui nous séparent du restaurant.

 

En soirée : repas de noces, simple, provincial, jurassien. Je ne me souviens pas du menu.…

 

 

Note : pour moi, drôle de journée, les choses se sont enchainées bizarrement. Finalement j’ai dû paraître un peu à côté de mes pompes.

Et ce cérémonial, qui me paraissait soudain superflu, simple artifice sur notre union. Nos certitudes s'étaient jointes, une évidence se suffit à elle-même.

A défaut d’être celui-ci, les plus beaux jours de notre vie viendront : très bientôt avec la pyramide parfaite du Mont Blanc dans l’ait limpide du lendemain matin… et par la suite, avec des réveils sur les sommets, l’eau limpide des lacs de montagne

 

58 ans aujourd’hui... pourvu que ça dure.