Dotés de porte-bébés, nos machines devinrent véhicules utilitaires et de loisirs. Utilitaires, ce fut, entre MACORNAY, la maison où notre petite était gardée et jouait,et BORNAY , la nouvelle école de mon épouse, la montée journalière qu’elle effectuait pour profiter de sa fille avant mon propre retour du travail. Ce fut aussi, les dimanches, nos balades familiales et notre petite faisant la sieste sur son petit siège, dodelinant de la tête, alors que je m’évertuais à gravir, en danseuse parfois, quelques côtes de la « petite montagne » jurassienne. Notre allure surprenait.
Curieux de rencontrer d’autres « cyclotouristes », bon public, nous nous rapprochâmes de quelques collègues, puis du club du chef lieu : l’Amicale Laïque Lédonienne.
A la même époque nous changeâmes de monture : plus modernes, certes, mais toujours orientées « voyage » : triple plateaux, porte bagage amovibles et roues « à pneus ».
Notre équipement restait toujours un peu « différent » de celui de nos nouveaux confrères, majoritairement équipés de vélos « de course » , superbes montures, souvent italiennes, très allégées et roues équipées de « chers » boyaux.
L’époque était aux sorties du dimanche matin, limitées en temps et kilométrage afin de permettre la participation au déjeuner familial. Les départs, par groupes de niveau, étaient donnés « au sifflet », et les pelotons, pléthoriques, s’étalaient sur les routes bressanes sur des largeurs déraisonnables.Nous nous fîmes quelque peu violence afin de nous mettre à l'unisson d'une pratique assez éloignée de la nôtre.
Il existait encore, à cette époque, un goût certain pour les épreuves ou compétitions : test FFC de 50 kilomètres, montées chronométrées, courses en duo dites « gentlemen » et même des épreuves d'endurance de "24 heures à vélo" …
Nous jouâmes le jeu, avec quelques succès malgré la rusticité de nos machines …
Une chose en amenant une autre, nous fîmes l’effort de nous mettre à l’unisson de cette pratique.
Nouvelles machines, donc, étude des nouveautés techniques, et nombreuses participations à ces « compétitions ».
Nous connûmes quelques succès, notamment en catégorie « équipe mixte » grâce aux capacités exceptionnelles de mon épouse.
En dépit du caractère un peu futile de cette pratique, nous en gardons quelques bons souvenirs.
Les plus marquants furent, sans aucun doute, nos deux participations à la, alors célèbre, « montée Véloccio » entre SAINT ETIENNE et le Col de la République.
Ce ne furent pas les deux breloques (argent et or) gagnées au Col qui nous marquèrent, mais cette fabuleuse ambiance.
Pensez donc, quelques milliers de cyclistes de tous poils lancés à l’assaut du col, par catégories d’âge ou de machine.
Pensez au départ de la catégorie des « plus de 80 ans », tenus par leur machine, à celui des « triplettes » familiales, aux machines « historiques », Pensez aussi au gigantesque pique-nique d’après montée, totalement improvisé, hors de toute structure, irréel.
Outre cette pratique un peu « limitée » du cyclotourisme et la « frivolité » des buts poursuivis, nous avions gardé, dieu merci, notre attirance pour le voyage à vélo, et peu de ces années passèrent sans que nous ayons effectué au moins une virée d’une quinzaine de jours.
Après un nouvel aller-retour vers VENISE, cette fois en montant le col du Grand Saint Bernard et traversant la plaine du Pô, nous avons cherché un nouveau type de machine.
Déniché dans le grenier d’un ancien cycliste, nous acquîmes un Tandem de la grande époque, les années 30, de marque RAVAT. Il était équipé d’un double plateau : 48x32, si je me souviens bien, mais sans dérailleur. Il fallait donc passer la chose « à la main » au début et à la fin de chaque montée. La roue arrière bénéficiait d’un frein à tambour dit « ralentisseur » activé par une manette semblable à un levier de changement de vitesses. Côté vitesses, justement, les 4 pignons arrière étaient desservis par un dérailleur SIMPLEX d’époque, au déplacement horizontal linéaire commandé par un anneau de câble dit « à double enroulement ». A discuter avec quelques anciens (et anciennes) de cet achat, nous fûmes gratifiés de quelques récits des vacances de l'après 1936 : les congés payés, les voyages, tandem et remorque, en direction de la « grande bleue » alors atteinte en 2 ou 3 jours…
Finalement, notre premier voyage avec ce tandem fut à l’image de ces récits.
Faute de temps, nous partîmes avec l’engin « dans son jus » et avec l’équipement d’époque.
Nous fûmes à la hauteur de nos ainés et SETE fut atteint en moins de 3 jours, via la (ex)Nationale 86.
Arrivés là, il nous fallut attendre quelques jours : pour moi, un coup de soleil, type brûlure au 2 ou3° degré, et pour la machine, 5 rayons de la roue arrière brisés.
Une fois l’individu abondamment graissé, soigné et couvert de coton sur tout le corps, nous recherchâmes le vélociste compétent. Ce fut à l’enseigne du « Tour de France » que notre tandem pu être remis en état par un ancien mécano du Tour de France.
Confiants, nous continuâmes notre parcours jusqu’à MONTAUBAN (allez savoir pourquoi) avant de remonter vers le JURA en passant par le Massif Central. La casse des rayons de la roue arrière continuant, c’est péniblement et avec bien des craintes que nous passâmes Super Lioran au prix d’une longue et difficile montée. Il nous fallut atteindre LE PUY EN VELAY pour trouver un nouveau vélociste compétent qui, filetant à la main des rayons taillés à la bonne longueur pût nous dépanner et nous permettre de rejoindre nos pénates sans autres dommages. Le dépannage se fit devant nous, dans son échoppe en échangeant quelques plaisanteries : heureuse époque.
Après cette première virée en tandem notre magnifique machine dût supporter une modernisation drastique: nouvelle roue arrière, triple plateau, dérailleur avant, allègement général…
Bref, une machine presque moderne … et, en fait de bonne qualité, ce tandem affichant, dès lors, un poids inférieur aux tandems vendus « dans le commerce ».
Cette machine fut encore celle de nos voyages suivants et notamment un premier « tour de Corse » que nous commençâmes, bien sûr de notre maison.
Pour cette virée, l’aller se fit (encore) par le Grand Saint Bernard en direction de Gênes et le retour par MARSEILLE et la vallée du Rhône.
Les choses allaient ainsi, tournant un peu en rond entre deux voyages… Un beau jour de Juin, notre ami Gaby me fit part de son projet : passant ses vacances à Six Fours , près de Toulon, il pensait rejoindre en vélo ce lieu de villégiature.
Nos discussions portèrent sur les modalités d’un tel voyage : le découpage des « étapes », les hôtels sur la route, l’équipement,
etc…
En définitive, après réflexion, nous en arrivâmes à la conclusion que l’affaire pouvait se faire « en continu », étape unique et trajet nocturne…
Confiants ou inconscients, ce fut notre choix, après que je me sois engagé à l’accompagner dans cette aventure !!!
Le départ se fit, pour nous trois : mon épouse, Gaby et moi, un beau (et chaud) jour vers 13 h par le parcours qui nous devint, par la suite, habituel : la vallée du Suran, Ambérieu, Vienne et la vallée du Rhône.
La nuit fut douce, agréable et par vent arrière.
J’avais pris soin, pour nous tenir éveillé, de porter dans ma poche arrière, une petite radio qui nous délivra, à chaque heure, les infos et le discours fait le même jour par le Président Giscard pour indiquer à ses sujets le bon choix qu' ils devaient faire. Dure épreuve : ce fut la seule fois où je me suis encombré de ce type d’accessoire.
Nous passâmes AVIGNON dans la nuit et nous prîmes le jour vers AIX EN PROVENCE.
Avec l'aube, nous retrouvâmes les bosses de l’arrière pays, la chaleur, et quelques cyclistes…
Gaby, dopé par la perspective de réussir ce qui nous paraissait impossible il y a encore peu, en profita pour lutter avec quelques uns de ces
« sportifs » et leur voler, au sprint, les derniers sommets de bosses du parcours.
Ce fut notre première « grande distance » et la découverte du domaine de la « grande randonnée » … Mais ça, c’est une autre
histoire ..
La fin des année 1970, et le début des années 80, furent aussi, pour notre fille, les quelques années où elle pût (ou voulu) nous accompagner dans nos balades cyclistes …
Petit vélo de fille, d’abord, que je dotais de quelques vitesses,pour lui permettre de nous suivre, à la journée et sur de petits parcours dans les régions où nous passions nos vacances.
Puis, à l’approche de l’adolescence, elle se laissa convaincre d’effectuer, avec nous, mais avec un programme adapté, une vrai « virée ».
Le but choisi fût la Corse, plus exactement un Tour de Corse, à raison d’étapes d’une quarantaine de kilomètres effectués le matin et suivis d’une après midi entière à la plage.
La décision prise, je commandais à mon constructeur préféré (l’estimable Jacques Busset à Lyon) un vélo adapté :
Cadre de 45 cm en tubes Vitus, double plateau (42x36 – en taille « junior », manivelles de 150), roues de 650 A et pneus étroits…
Pour le voyage, il fut équipé de garde-boue légers, d’un petit porte bagage et de minuscules sacoches
Nous partîmes de BANDOL, où des amis avaient accepté de garder notre véhicule, pour MARSEILLE où il nous fallut, première épreuve et premières inquiétudes, monter dans le ventre du Ferry, avec nos machines, et au milieu de l’agitation automobile.
Sur place, les choses se mirent en place sans vrais problèmes et le programme fut respecté : petites étapes, longues baignades… de bons souvenirs et de belles images : notre petite, efficace et bien campée sur son vélo, palmes et tuba portés en travers de son porte bagage …
Après cette très belle virée, l’adolescence vint, et nous nous trouvâmes seuls avec nos machines … mais il nous restait encore beaucoup à découvrir …